Lunette et lampe pour dyslexique : que faut-il en penser ?

article lunette et lampe pour dyslexique

En 2017, les médias relaient la découverte de deux physiciens rennais qui portait sur une cause de la dyslexie. Suite à cela, nombre de produits divers (lampes fixes et portatives, paire de lunettes) ont été commercialisés afin de « faciliter la lecture des personnes atteintes de dyslexie ». Le 4 octobre 2023, The Royal Society a publié une recherche scientifique sur qui révèlent des résultas tranchants.   

la découverte des deux physiciens

Que penser des lampes et des lunettes créées pour aider les personnes dyslexiques ?

Le 4 octobre 2023, The Royal Society a publié une recherche scientifique sur les lampes et les lunettes conçues pour aider les personnes dyslexiques.

Les auteurs de cette étude, Marie Lubineau, Cassandra Potier Watkins, Hervé Glasel et Stanislas Dehaene, ont entrepris une série d’expériences visant à affirmer ou infirmer l’impact des lampes et des lunettes sur la lecture des personnes dyslexiques.

Que dit cette étude sur l’efficacité des lunettes et des lampes pour dyslexiques ?

Voici des extraits :

« En ce qui concerne le scintillement à haute fréquence, nos données favorisent l’absence d’effet de la lampe ou des lunettes, les performances des étudiants étant très similaires, quel que soit le test de lecture que nous avons proposé. »

« Nos conclusions ne doivent bien sûr pas être interprétées comme signifiant que ces dispositifs ne pourraient jamais être utiles à certains lecteurs. Cependant, elles contredisent fortement les affirmations marketing selon lesquelles ils faciliteraient la lecture pour 90 % des enfants dyslexiques. »

« Même chez deux participants dyslexiques qui ont ressenti une amélioration grâce aux lunettes, nous n’avons constaté aucune amélioration majeure ni en termes de fluidité ni de compréhension. Nous n’avons observé qu’un faible effet placebo chez notre plus jeune participant, dont la précision en lecture de mots s’est améliorée lorsqu’on lui a dit que les lunettes étaient en place. Elle a également montré une légère amélioration de la précision de la lecture de texte lorsque les lunettes étaient effectivement portées, mais cet effet n’a été observé que dans un seul test et de manière inexplicable, uniquement lorsqu’on lui a dit que les lunettes étaient retirées. »

« Bien que ces résultats contredisent ceux décrits par Le Floch et Ropars, ils sont cohérents avec la littérature sur la sensibilité au contraste de scintillement, qui montre que les dyslexiques ne sont pas plus sensibles que les lecteurs normaux au scintillement à basse et haute fréquence. »

D’après cette étude publiée de 2023, les lunette et lampe pour dyslexiques n’ont pas d’efficacité pour favoriser la lecture des personnes dyslexiques. Le seul effet constaté est un effet placebo, sur quelques enfants.

Voici le lien de l’étude en Anglais : https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rspb.2023.1665

Reprenons le fil de l’histoire, sur quoi porterait la découverte des deux physiciens ?

Contexte : Deux physiciens, chercheurs émérites de l’université de Rennes I, M. Albert Le Floch et M. Guy Ropars, ont publié le fruit de leurs travaux dans une revue scientifique (Proceedings of The Royal Society B). Ils ont su valoriser leur « découverte » auprès du grand public à travers un certain battage médiatique. Cette situation a pu froisser la communauté scientifique peut encline à subir pareille exposition dans les médias. Rappelons que la dyslexie est classiquement étudiée par d’autres profils de chercheurs (médecin spécialiste des troubles neuro développementaux, neuroscientifique, orthophoniste, etc). La situation est inhabituelle. Les découvreurs sont des physiciens, ce qui peut déconcerter. Mais peu importe, du moment que les protocoles scientifiques et les méthodologies sont respectées.

Le fondement de cette découverte

Le fondement de cette découverte

Cette découverte reposerait sur le constat que la tâche de Maxwell (ou fovéa : zone centrale située sur la rétine) chez les personnes dyslexiques est de forme identique dans les deux yeux. Alors que chez les personnes non dyslexiques, on distinguerait un œil dominant où la fameuse tâche de Maxwell est plus régulière et plus grande dans un seul des deux yeux. En phase de lecture, l’œil dominant dicterait au cerveau ce qu’il voit. Alors que chez le dyslexique :  l’hypothèse des deux chercheurs est qu’au moment de la lecture, la parfaite symétrie de la tâche de Maxwell dans les yeux provoquerait une « hésitation du cerveau », une sorte de vas-et-vient entre l’œil et le cerveau. Ce dernier, décisionnaire, se retrouverait dans l’impossibilité de trancher sur la précision de l’image et la réponse à donner. Au final, le cerveau finirait par superposer les deux images renvoyées par les deux yeux en créant une image floutée, déformée qui va perturber la lecture.

Cette hypothèse peut-elle permettre de comprendre la dyslexie ?

En l’état actuel, les chercheurs auraient constaté que la fovéa serait identique d’un œil à l’autre chez le dyslexique. Ils proposent une interprétation reposant sur le brouillage des images par le cerveau qui perturberait la phase de lecture. Ce qui est positif, c’est que cette hypothèse amène à s’interroger sur la dyslexie et ses causes. De plus, les campagnes publicitaires sur ces objets mettent en lumière le trouble de dyslexie d’une certaine façon.

Cependant, le sujet, tel qu’il est abordé, occulte le lien avec les difficultés phonologiques reconnues de ce trouble. La communauté scientifique internationale fait consensus autour de la problématique phonologique de la dyslexie. En effet, le constat énoncé par les deux physiciens repose sur de fragiles observations parce qu’elles se sont déroulées dans des conditions imprécises.

La nouvelle étude de 2023 par Stanislas Dehaene et 3 autres chercheurs : 

Voici un extrait de la Discussion générale de l’étude portant sur les résultats décrits par Le Floch et Ropars : 

« Bien que ces résultats contredisent ceux décrits par Le Floch et Ropars, ils sont cohérents avec la littérature sur la sensibilité au contraste de scintillement, qui montre que les dyslexiques ne sont pas plus sensibles que les lecteurs normaux au scintillement à basse et haute fréquence. Cependant, ces études se sont uniquement concentrées sur la perception visuelle de bas niveau et n’ont pas examiné l’impact sur la lecture. À notre connaissance, la présente étude est la première à évaluer les effets du scintillement à haute et basse fréquence sur la lecture chez les lecteurs normaux et chez un groupe d’enfants dyslexiques. En révisant le présent article, nous avons pris connaissance d’une prépublication qui tire des conclusions similaires. Lapeyre et al. ont étudié l’impact du troisième dispositif de scintillement actuellement sur le marché, la lampe Lili, chez des adultes dyslexiques et des témoins du même âge. Ils ont d’abord évalué les déficits en lecture à l’aide de tests standardisés, ainsi que la netteté visuelle et la dominance oculaire. Ces mesures remettent déjà en question l’hypothèse de Le Floch et Ropars selon laquelle la dyslexie est liée à un déficit de l’œil dominant, car 87 % de leurs participants dyslexiques présentaient une dominance oculaire normale. De plus, la lumière scintillante n’a eu aucun impact significatif sur les tests ultérieurs de vitesse de lecture de phrases et de compréhension de la lecture de texte. »

La communauté scientifique émet des réserves

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    Quels sont les coûts pour acquérir ces lampes ou lunettes ?

    la lampe coûte 549 euros et vous devrez débourser 399 euros pour acquérir les lunettes.

    Prise en charge financière possible ?

    Le coût doit être entièrement assumé par les familles. Ces « outils » ne peuvent faire l’objet d’une prise en charge même partielle de la CPAM, la CAF ou la MDPH. En effet, l’absence de reconnaissance par la communauté scientifique ne permet pas de valider une quelconque prise en charge.

    Acheter les lunettes pour dyslexique ?

    Doit-on investir ou pas dans ces outils ?

    En tant que Dys, je suis enthousiaste à l’idée de mieux connaître mon trouble et de bénéficier d’avancées technologiques nouvelles. Néanmoins, je veux aussi être sécurisé dans mon éventuel investissement. Là, j’avoue que je ne peux l’être en état de la situation, en l’absence d’études scientifiques et de tests

    Alors, il me semble qu’il faut essayer, tester à plusieurs reprises, si vous êtes curieux comme moi. Mais en aucun cas n’engager de frais inconsidérés tant que vous n’avez pas la certitude que cela pourra vous être bénéfique sur la durée. 

    A mon avis, il faut attendre pour acheter que ces petits outils s’avèrent nécessaires. Alors, s’ils font leur preuve, ils pourront être considérés comme des outils de compensation.

    Pour ma part, j’ai pu essayer les lunettes, mais elles ne m’ont pas été utiles. Cela dit, mon cas est spécifique.

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      6 commentaires

      • La professeure principale de notre fille qui est en terminale générale nous a exhorté d’acheter une de ces lampes car elle avait lu un article dans le Monde, par contre mettre en place le PAI, là elle était déjà beaucoup moins motivée préférant lui diagnostiquer des troubles de compréhension orale.
        Nous n’avons pour finir pas acheter cette lampe car après recherche et étude des publications scientifiques nous avons eu exactement la même analyse que vous, donc merci à vous !

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        • Vous avez bien fait, il est utile d’attendre ou au moins de tester et voir si cela convient ou pas. Il semble qu’un faible pourcentage de Dys ayant des troubles de la vision peuvent y trouver de l’aide, donc pourquoi pas la tester. Mais sinon, vous avez bien fait, il est utile d’attendre des explorations scientifiques et des études cliniques.

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      • bonjour je sui la maman de lea qui est en 5eme ma fille a plien de lacune ca la penalise beaucoup je fait tout pour laider mes ca ser a rien et ca vue baisse aussi c bien compliquer pour elle je sait plu koi faire

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        • Bonjour, si votre fille n’est pas diagnostiquée il faut commencer par rechercher la cause de ses difficultés. Une fois que le diagnostic est posé, vous pourrez entreprendre la mise en place d’aménagements et des consultations chez les professionnelles appropriées. Les lacunes peuvent être rattrapées, mais il faut que votre fille soit rapidement prise en charge et évolue dans un environnement qui lui permettra rattraper son retard. Je vous souhaite beaucoup de courage pour ce parcours du combattant.

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      • Bonjour Maxence,
        mon fils Pierre est dyslexique, dysortho, TDA (et peut être dyspraxique). Nous avons acheté la lexilamp il y a quelques années.
        Il y a une période d’essai qui nous avait rassurés à l’époque puis le Covid a tout bouleversé.
        Cette lampe est un joli objet design et nous avions tellement envie que ça marche…
        Hélas, mon fils ne fait pas partie de ces élus…
        Peut-être qu’un bilan orthoptique de la personne dys pourrait déterminer ou non l’aide éventuelle de la lampe puisqu’elle fonde la remédiation sur la vision?
        Attention avoir tellement envie de trouver la solution peut fortement influencer l’essai !
        Merci pour votre site et bon courage à vous Maxence !

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        • Merci pour votre témoignage, je reconnais beaucoup de parents dans votre situation. Vous faites bien de préciser que l’envie de trouver une solution magique ne doit pas rentrer en ligne de compte lors des essaye avec la lampe.
          Bon courage dans votre parcours du combattant, ne lâchez rien !

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